Une "Edition du Centenaire" des Cahiers de la Quinzaine
Le 02/01/2014
A l’occasion du centenaire de la mort de Péguy, l’Amitié Charles Péguy a pris l’initiative de ressusciter l’aventure des Cahiers de la Quinzaine par un hommage à ce remarquable ouvrage d’imprimerie. En association avec l’Atelier du Livre d’Art de l’Imprimerie Nationale, elle proposera aux bibliophiles une « édition du Centenaire » sur beau papier. En savoir plus...
En 2014, nous allons commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale. Dès la première année du conflit, nombreux furent ceux qui périrent au front. Parmi eux, Charles Péguy, écrivain, fondateur de revue, esprit libre et novateur. Poète, philosophe, polémiste, défenseur de la culture et de la justice, Péguy fut tout cela. De sa "boutique" du Quartier Latin, où il concevait chaque numéro des Cahiers de la Quinzaine, il exerça une magistrature aux dimensions multiples. Romain Rolland, prix Nobel de littérature, fut un de ses premiers collaborateurs. Dans une lettre, il présente ainsi la revue de Péguy :
« Les Cahiers de la Quinzaine ? Vous me demandez leur but. Vous vous en rendriez compte facilement en parcourant un de leurs catalogues. Vous y trouveriez d’abord toute une série qu’on pourrait intituler : Des races opprimées. Il y a bien une dizaine de Cahiers consacrés à la Finlande, à l’Arménie, à la Macédoine, à la révolution russe, aux juifs de Kicheneff, aux juifs de Roumanie, au Congo belge, etc. Chacun de ces Cahiers est fait par un spécialiste qui a été dans le pays. Jamais de déclamation littéraire. Puis il y a une autre série : Institutions démocratiques françaises. Universités populaires, Théâtre du Peuple, les discours de Jaurès, les articles de Clémenceau ou de Picquart, etc. Puis Chroniques ou pamphlets politiques de Péguy qui est socialiste, et qui fut un des plus ardents dreyfusistes, mais qui n’en est que plus libre pour dénoncer les compromissions su socialisme […] Puis enfin les Œuvres littéraires. » (Cité dans Frantisek Laichter, Péguy et ses Cahiers de la Quinzaine, Editions de la Maison des sciences de l’homme, 1985, p. 144.)
Près de quarante ans plus tard, Romain Rolland revient sur ce qui fut le grand œuvre de son ami :
« Pour ressusciter l’ombre disparue, j’ai rouvert la source de sang : l’inépuisable fontaine des Cahiers. J’en ai gardé pieusement la collection complète, que Péguy venait contempler, avec un orgueil sûr de l’avenir, alignée sur les murs de mon pauvre logis…
Dès les premières gorgées, j’ai été ressaisi. Je bus à longs traits, je m’abreuvai de ce fleuve de vie, de cette Loire se déroulant avec lenteur précipitée, pleine à pleins bords, chargée de substance, ample, profonde et sinueuse, - ses sables, ses joncs et ses méandres – et, dans ses eaux, les beaux reflets des rives qui passent, villes et châteaux de l’ancienne France. » (Romain Rolland, Péguy, 1944)
Animateur de la vie intellectuelle sous la Troisième République, Péguy avait en outre la passion du beau livre et de l’ouvrage bien faite. Encore élève à l’Ecole normale supérieure, il suivit une formation de typographe. Plus tard, s’inscrivant en thèse à la Sorbonne, il choisit comme sujet de thèse secondaire Etudes et recherches sur les arts et métiers de la typographie. Mais c’est dans le travail quotidien d’édition de sa revue que Péguy déploie ses connaissances et ses qualités de typographe. Travail technique et exigeant, fait d’incessantes relectures et de minutieuses mises au point dont témoignent les épreuves corrigées par ses soins. Le typographe ne fait-il pas partie des modernes esclaves ? « Dans tous les pays du monde il est entendu, et il faut saluer ici un arrangement ingénieux, que les travaux désagréables sont confiés à des classes inférieures, nommées prolétariennes, ou à des races inférieures, Noirs, Chinois, Typographes ; c’est ce que l’Antiquité nommait communément des esclaves. » (Charles Péguy, Heureux les systématiques, Œuvres en prose complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », T. II, 1988, p. 302.)
Mais derrière l’ironie se cache une vraie passion, qui amène Péguy à améliorer sans cesse la présentation de ses Cahiers. En 1906, il décide de lancer, en sus de l’édition ordinaire, une édition sur papier whatman ; c’est en poète qu’il décrit cette matière bien particulière :
« Qu’on imagine un papier comme un marbre, et comme un vrai beau marbre frais demi tranparemment comme légèrement bleuté, un papier solide au regard, à la fois ferme et moite au regard, fort et pourtant moelleux, ayant de l’œil, mais honnête, ayant du regard, ayant de l’étoffe, ayant de la main, et cette admirable solidité qui demeure la première des vertus classiques. Un papier enfin qui prend l’empreinte si exacte et si parfaite qu’il semble fait pour elle de toute éternité, qu’il y a comme une éternelle communauté d’intention entre le papier et l’empreinte, entre la pâte et le texte. » (Charles Péguy, Cahiers de la quinzaine, Œuvres en prose complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », T. II, 1988, p. 455.)
A l’occasion du centenaire de la mort de Péguy, l’Amitié Charles Péguy a pris l’initiative de ressusciter cette aventure par un hommage au remarquable ouvrage d’imprimerie que furent les Cahiers de la Quinzaine. En association avec l’Atelier du Livre d’Art de l’Imprimerie Nationale, elle proposera aux bibliophiles une « édition du Centenaire » sur beau papier, composée avec des caractères traditionnels en plomb.
Cette édition comprendra 15 cahiers, à raison d’un par série publiée entre 1900 et 1914. Le choix des cahiers a été fait pour qu’ils soient représentatifs de la richesse et de la diversité des sujets que la revue a abordés.
La souscription pour l’Edition du Centenaire, limitée à 250 exemplaires numérotés, sera lancée dans les prochaines semaines (prix prévisionnel : autour de 800 euros). Les personnes qui souhaitent manifester leur intérêt pour cette initiative peuvent effectuer une pré-réservation, sans engagement financier, en laissant leurs coordonnées à l’adresse suivante :
editionducentenaire@charlespeguy.fr
Pierre Savin