Julliard et Finkielkraut, des" Péguystes" dans la cité
Le 17/01/2014
Ce vendredi s’est tenue la première journée du colloque au Sénat consacré à "l’actualité de la pensée politique de Péguy". Plusieurs personnalités publiques étaient invitées à témoigner sur le thème "Etre péguyste dans la cité". "Intransigeance", "insoumission" sont quelques-uns des mots utilisés pour qualifier le "péguysme". En attendant la publication future des actes de ce colloque, nous avons interrogé 2 des participants, Alain Finkielkraut et Jacques Julliard sur leur perception de Péguy et du "péguysme".
Jacques Julliard, journaliste-écrivain :
« Nous sommes peut-être "péguystes", mais surtout c’est la situation qui est "péguyste". La domination de l’argent est devenue un fait tellement écrasant, tellement aveuglant, que même des gens qui n’ont rien à voir avec Péguy le disent. C’est le cas par exemple de ceux qu’on appelle les "alter-mondialistes". Autre exemple : la dernière exhortation apostolique du pape François – ce texte est "péguyste" de bout en bout. Au fond, la dénonciation de la corruption par l’argent est devenue quelque chose de plus moderne que la dénonciation de l’exploitation par le capital. Non pas que cette exploitation ait disparu, mais la corruption engendrée par l’argent, l’aliénation engendrée par l’argent est devenu le problème numéro 1. »
Alain Finkielkraut, philosophe :
« Péguy est un "gêneur" dans la mesure où il ne rentre dans aucune case, aucune des rubriques, des dénominations, contemporaines ne lui convient. Il n’est pas progressiste, il n’est pas réactionnaire. Nul camp ne peut s’en prévaloir. Il est un "gêneur" en un sens plus substantiel, plus précis aujourd’hui. En fait, il y a une critique qui se fait des héritiers, critiques aux motivations et aux alibis multiples mais que Péguy récuse, puisque précisément la fidélité à l’héritage est cruciale dans sa pensée. Et elle anime, elle inspire aussi son dreyfusisme. C’est ce qu’il dit dans Notre jeunesse : "nous rendrons notre sang pur comme nous l’avons reçu". Nous sommes comptable d’un certain héritage, nous sommes comptable d’un certain passé. Nos ancêtres nous regardent. Nous avons à nous en montrer dignes. Nous devons être à la hauteur. Voilà un rapport au passé qui a été complètement oublié aujourd’hui. Et que Péguy incarne de manière à la fois intempestive et merveilleuse.
Je suis habité par ce que Péguy écrit. Et comme ce qu’il écrit reste fortement actuel, j’y suis renvoyé précisément par les événements du jour. Jacques Julliard a indiqué que non seulement, la critique par Péguy du monde moderne n’a pas pris une ride, mais que le monde moderne tel que Péguy l’a décrit ressemble davantage au monde dans lequel nous vivons que celui auquel il était lui-même confronté. En fait, Charles Péguy a eu la prémonition de notre réalité. »
Propos recueillis par Olivier Péguy
Jacques Julliard, journaliste-écrivain :
« Nous sommes peut-être "péguystes", mais surtout c’est la situation qui est "péguyste". La domination de l’argent est devenue un fait tellement écrasant, tellement aveuglant, que même des gens qui n’ont rien à voir avec Péguy le disent. C’est le cas par exemple de ceux qu’on appelle les "alter-mondialistes". Autre exemple : la dernière exhortation apostolique du pape François – ce texte est "péguyste" de bout en bout. Au fond, la dénonciation de la corruption par l’argent est devenue quelque chose de plus moderne que la dénonciation de l’exploitation par le capital. Non pas que cette exploitation ait disparu, mais la corruption engendrée par l’argent, l’aliénation engendrée par l’argent est devenu le problème numéro 1. »
Alain Finkielkraut, philosophe :
« Péguy est un "gêneur" dans la mesure où il ne rentre dans aucune case, aucune des rubriques, des dénominations, contemporaines ne lui convient. Il n’est pas progressiste, il n’est pas réactionnaire. Nul camp ne peut s’en prévaloir. Il est un "gêneur" en un sens plus substantiel, plus précis aujourd’hui. En fait, il y a une critique qui se fait des héritiers, critiques aux motivations et aux alibis multiples mais que Péguy récuse, puisque précisément la fidélité à l’héritage est cruciale dans sa pensée. Et elle anime, elle inspire aussi son dreyfusisme. C’est ce qu’il dit dans Notre jeunesse : "nous rendrons notre sang pur comme nous l’avons reçu". Nous sommes comptable d’un certain héritage, nous sommes comptable d’un certain passé. Nos ancêtres nous regardent. Nous avons à nous en montrer dignes. Nous devons être à la hauteur. Voilà un rapport au passé qui a été complètement oublié aujourd’hui. Et que Péguy incarne de manière à la fois intempestive et merveilleuse.
Je suis habité par ce que Péguy écrit. Et comme ce qu’il écrit reste fortement actuel, j’y suis renvoyé précisément par les événements du jour. Jacques Julliard a indiqué que non seulement, la critique par Péguy du monde moderne n’a pas pris une ride, mais que le monde moderne tel que Péguy l’a décrit ressemble davantage au monde dans lequel nous vivons que celui auquel il était lui-même confronté. En fait, Charles Péguy a eu la prémonition de notre réalité. »
Propos recueillis par Olivier Péguy