Péguy aux Bernardins
Le 01/02/2014
Le 30 janvier s’est tenue au Collège des Bernardins une conférence intitulée "La voix prophétique dans l’œuvre de Charles Péguy". Cette conférence s’inscrivait dans le cycle sur "Le prophétisme dans l’art occidental, une parole habitée", proposé par l’association Art, culture et foi de Paris. Claire Daudin, présidente de l'Amitié Charles Péguy, a retracé le parcours de Péguy, du militant de la justice sociale au poète inspiré qui fait parler Dieu. Elle était accompagnée de Samir Siad, homme de théâtre, qui a lu de larges extraits des œuvres de Péguy. Cette alternance des voix, et la place faite au texte de Péguy, ont assuré le succès de la conférence qui a fait salle comble, l’échange avec la salle se poursuivant bien au-delà de l’heure indiquée.
Nous donnons ici le début du texte qui paraîtra ultérieurement dans le Bulletin de l’Amitié Charles Péguy.
« Hans Urs von Balthasar, théologien de renom, cardinal et haute figure de l’Eglise du XXème siècle, voyait en Bloy, Péguy, Bernanos et Claudel les quatre "prophètes français".
Si l’on reconnaît à la fonction prophétique les deux dimensions que sont l’interpellation du peuple des croyants au nom de Dieu, et la hauteur de vue qui permet d’anticiper sur les événements, on peut dire que Charles Péguy a revêtu cette fonction. Prophète avant même de se déclarer chrétien, il annonce les dérives totalitaires d’un mouvement socialiste qui n’en est qu’à ses balbutiements ; il fustige le primat de l’argent et du temporel dans un monde moderne défini par son hostilité à toute métaphysique ; catholique proclamé, il stigmatise "l’Eglise des riches", exhortant ses coreligionnaires à "faire les frais d’une révolution temporelle pour le salut éternel".
Mais l’apport de Péguy à la foi chrétienne ne se limite pas à ses imprécations. Tout en se réclamant du catéchisme de son enfance contre les docteurs et les savants, il n’a eu de cesse d’empiéter sur leur territoire. Rebelle à toute autorité dogmatique ou hiérarchique, il a ouvert dans le domaine de l’intelligence de la foi des voies nouvelles. Croyant marginal, empli de défiance à l’égard des "curés", se privant des sacrements, rétif à toute tentative de récupération, il s’est pourtant engagé très avant dans l’exploration des mystères chrétiens.
Une telle démarche, par sa liberté totale, n’est guère commune dans l’Eglise. Si Péguy n’avait été, après sa mort, dévotement compilé, il n’aurait sans doute pas fait la carrière posthume de poète catholique qui fut la sienne. Il avait tout d’un hérétique, pourtant son œuvre a fécondé la chrétienté. Elle a rendu intelligible leur foi à d’innombrables croyants, elle a dévoilé, par ses moyens propres, maints visages du Père, du Fils, de la mère - et de la petite fille, cette mystérieuse Espérance qui s’avance entre ses deux grandes sœurs, la Foi et la Charité.
Nous allons retracer ce parcours étonnant, qui conduit un jeune homme ardent, généreux, militant de la justice sociale et combattant de la vérité, à devenir ce poète inspiré qui fait parler Dieu dans ses Mystères. »
Claire Daudin
(L'intégralité de cette conférence devrait paraître dans un prochain numéro du Bulletin de l'Amitié Charles Péguy)
Crédits photo : François Haye