"Notre Péguy" au Nouvel Obs

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Le 18/02/2014

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Après La Croix et Le Figaro, c’est le Nouvel Observateur qui vient de faire paraître, dans son édition du 13 février 2014, un dossier spécial consacré à Charles Péguy. Le journaliste Jacques Drillon a interrogé plusieurs « adeptes de l’écrivain chrétien et socialiste » : Yann Moix, Edwy Plenel ou encore Jacques Julliard, François Bayrou ou Alain Finkielkraut. Tous parlent de "leur" Péguy. Le dossier s’appelle tout naturellement "Notre Péguy". En voici des extraits, reproduits avec l’aimable autorisation de l’auteur.



« Il paraît qu’on ne lit plus Péguy ? Tant pis pour "on". Il inspire la méfiance, s’attire les ricanements de la bonne pensée de "gauche" hollandisée ? Tant mieux. Fabrice Luchini commençait un spectacle avec cette citation : "Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée." (…)

Pour Péguy, fils de rempailleuse de chaises et de menuisier, et quoique normalien lui-même, l’artisan, le paysan ont plus de chance de faire bien ce qu’ils font. C’est la fameuse phrase : "Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire, il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron, ni pour les connaisseurs, ni pour les clients du patron, il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être même." Mais pas seulement les humbles. Le soldat, l’artiste, le député, et même l’intellectuel. Bien faire les met sur un pied d’égalité, les unit, les réunit. Dans l’idéal, du moins… (…)

Philosémite, révolté, puissamment droit et juste (…), courageux, opiniâtre, pauvre, socialiste qui rêve d’un monde où l’homme ne serait pas un loup pour l’homme, chrétien anti-dévot qui ne s’est même pas marié à l’église, Péguy s’est brouillé avec beaucoup d’amis, d’admirateurs, de tièdes et de sangsues. Il s’est même brouillé avec ses ennemis, qui se vengent (l’Action française le condamne après l’avoir courtisé en vain), ou se vengeront : le régime de Vichy le récupérera parce qu’il était patriote, ce qui ne manque pas de sel ; et parce qu’avec cela il défendait le travail et la famille. Vichy a sali beaucoup de mots que Péguy avait fait briller, comme d’autres, aujourd’hui, font main basse sur Jeanne d’Arc. (…) Quant à l’Eglise, toujours tiède et prudente, elle ne sait plus où elle en est avec ce brûlant converti, pas plus qu’avec Claudel et Green. (…) Tout le monde se l’est ainsi annexé, de Maurras à Xavier Niel et de De Gaulle à Pétain, de Charles Beigbeder à Michel Houellebecq.

La leçon de Péguy, c’est que les catégories ne fonctionnent pas, ne disent rien, ne servent à rien. Catholiques, anticléricaux, socialistes, petites gens et intellectuels, gauche et droite, mécréants et calotins, rien de tout cela n’est pertinent. (Jusqu’à la prose et la poésie, qu’il n’a pas distinguées : l’Incarnation montre qu’on ne peut pas séparer le vulgaire et le sublime.) Pour Péguy, le réactionnaire veut perpétuer l’état de désordre et de confusion dans lequel nous vivons : la république est inégalitaire, et le vrai chrétien est anticlérical. Au fond, il n’y a que deux grandes catégories opérantes, les dreyfusards et les antidreyfusards : les justes et les salauds. (…) »



Jacques Drillon



Dossier à lire dans Le Nouvel Observateur (en date du 13 février 2014).

Les interviews de l’écrivain Yann Moix et du journaliste Edwy Plenel sont disponibles gratuitement (Yann Moix : "Péguy est à mourir de rire" et Edwy Plenel : "Si Péguy me proposait un article pour Mediapart…")


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Par : maurice Scarabin

Note : Note 5

Titre : notre péguy

Avis : une révélation merveilleuse dont je m'inspire à chaque instant , tant est bouleversant le destin de cet Homme

extraordinaire . Dire qu'il m'aura fallu 78 ans pour découvrir un tel esprit bienfaiteur grâce au Nouvel Obs. Un immense MERCI.