"Péguy vivant" dans la revue Nunc

Le 28/04/2014

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"Nunc" est une revue trimestrielle de littérature, poésie et création artistique. Son dernier numéro  est en partie consacré à Charles Péguy avec plusieurs articles passionnants rassemblés sous le titre "Charles Péguy vivant 1914-2014" (voir sommaire ici). Ce dossier a été dirigé par Camille Riquier, maître de conférence en philosophie à l'Institut catholique de Paris. C'est lui qui signe l'introduction de ce dossier. En voici un extrait (reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur).





« Péguy fut un héros, c'est entendu. Mais le regard temporel de l'histoire manque de voir les grandeurs qui la dépassent, et qui appartiennent au cœur et à l'esprit. Et bien souvent la vie passionnée d'un homme empêche de les voir de son vivant. C'est quand le corps meurt que l'esprit naît véritablement à lui-même et brille de son éclat singulier. Ce que nous voulons célébrer cette année, à l'occasion du centenaire de la mort de Péguy, n'est rien  moins que sa mort, c'est sa vie même. Quand il s'agit des génies et des saints, la gloire est essentiellement posthume, quand elle n'est pas éternelle. C'est encore un effet d'incrustation moderne de ne croire qu'à la gloire temporelle: "c'est le fait du spirituel d'attendre; pour exploser, ou simplement rendre. […] C'est presque, c'est souvent son propre, d'attendre jusqu'à la mort du titulaire. Et souvent même (beaucoup) plus loin." Alors, étonnons-nous d'apprendre que Charles de Gaulle avait confié un jour avoir trouvé "l'esprit de la Ve République […] dans Les Cahiers de la Quinzaine ", amusons-nous encore de voir cette année un timbre-poste à l'effigie de Péguy, mais laissons-là son image et abandonnons le manteau de gloire dont la mort l'a revêtu, qui pâlit comme nos lampes au soleil sitôt qu'on s'attache à l'éclat de son génie. Élevons-nous résolument jusqu'à sa pensée, loin au dessus de la boue du combat qui avait permis aussi bien qu'on éclabousse son nom. Il apparaîtra que Péguy sort intact du siècle passé, et des récupérations politiques dont il eut à souffrir. Et il le sera chaque fois qu'un regard neuf le lira et l'entendra. Nul ne donne mieux le ton avec lequel nous nous (re)mettons à (re)lire Péguy que le tout récent livre de Benoît Chantre, qui rafraîchit l'œuvre sur tant de ses aspects: "Point final aux contresens qui ont entouré l'homme et l'œuvre". "Déboutonnons l'uniforme, ce raide corsage de l'histoire. Déposons un temps ce poids de médailles, d'héroïsme, de morts glorieuses, la lourde cuirasse de Clio, vieille Ève, vieille Jeanne abîmée boutant ses Anglais. La fleur s'ouvre et nous livre un parfum de jeune femme."



Par là nous croyons vraiment que l'œuvre de Péguy contient un trésor inépuisable qui n'attend pas qu'on le garde mais qu'on le dépense sans compter. Car c'est un parfum qui ne s'évapore pas; il est devenu l'air que respire celui qui le lit. Et le public qu'a fait ou que peut faire Péguy est aussi inclassable que lui, nous voulons dire virtuellement partout: philosophes, politiques, juristes, historiens, littéraires, poètes, etc. Il suffit à vrai dire qu'il soit "honnête homme". Mais pour cela encore fallait-il ouvrir ses livres, et chasser cette vieille odeur de moisi qui s'en dégage quand on les abandonne au grenier. Alain Finkielkraut a fait beaucoup pour dissiper l'épaisse légende qui a détourné plus d'un de leur lecture. Inlassablement, l'Amitié Charles Péguy œuvre depuis plus de 70 ans pour faire connaître "Péguy tel qu'on l'ignore" - selon le beau titre qu'avait choisi le regretté Jean Bastaire, disparu récemment, pour son recueil d'anthologie. Claire Daudin, sa présidente actuelle, reviendra à la fin du dossier sur l'actualité de Péguy en 2014, qui lui doit beaucoup, notamment par la sortie sous sa direction d'une nouvelle édition de ses Œuvres poétiques et dramatiques complètes dans la collection de la Pléiade, attendue en septembre prochain. Pour l'heure, que ce dossier puisse inviter chacun à lire ou relire Péguy qu'il approchera selon certaines de ses dimensions: celle du prosateur qui a étroitement lié sa pensée et son style (P. Bruley et C. Riquier), celle du poète et du dramaturge qui l'année même où Mallarmé publiait son Coup de dés (1897) parsemait de blancs énigmatiques sa première Jeanne d'Arc (P. Richard), celle de l'écrivain et du polémiste qui joue avec les masques et les pseudonymes (A. de Vitry), celle du croyant au porche de l'Eglise (P. Kéchichian), celle du socialiste enfin dans laquelle se croisent et se recroisent politique et théologie (R. Dadoun). »



Pour vous procurer cette revue, cliquez ici.



Par ailleurs, signalons le colloque organisé notamment par M. Camille Riquier, les 14 et 15 mai prochain, à l'Ecole normale supérieure et à l'Institut catholique de Paris. Le thème : « pensée de Péguy 1914-2014 ». Plus d'infos dans notre Agenda (cliquez ici).




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