La "Jeanne" de Péguy à Avignon
Le 25/06/2014
Parmi les nombreux événements artistiques jalonnant le festival d'Avignon cet été, il y a "Le Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc". Le texte de Péguy est mis en scène par Jean-Luc Jeener. Ce spectacle a déjà été donné au printemps à Paris. A Avignon, c'est au théâtre du Verbe Fou qu'auront lieu les représentations. L'initiative de ce projet revient à Danièle Léon, responsable artistique du Théâtre Atelier du Verbe. Interview.
Amitié Charles Péguy: Jouer du Péguy, qui plus est aujourd'hui, est un choix audacieux. Qu'est-ce qui vous a motivé dans cette aventure artistique ?
Danièle Léon: "Le Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc" de Péguy a été adapté et mis en scène par Jean-Luc Jeener en 2006 pour être présenté au cours d'une saison Jeanne d'Arc au Théâtre du Nord-Ouest dont il est le directeur. J.L. Jeener m'a aussi conviée pour cette occasion à l'écriture et la mise en scène de ma propre pièce : "L'Egérie de Charles VII" qui a été redonnée en 2012 lors de l'anniversaire des 600 ans de la Pucelle de Domremy. Puis à l'automne 2013 le Mystère de Péguy a été redonné pour quelques représentations au Théâtre du Nord-Ouest et c'est là que, le revoyant toujours aussi flamboyant de la parole si directe et si actuelle des trois protagonistes, j'ai proposé de "l'emmener à Avignon 2014" à l'occasion du centenaire de la mort de Péguy.
Amitié Charles Péguy: "Le Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc" de Péguy peut apparaître comme un texte austère. Dès lors, qu'est-ce qui est le plus difficile : trouver des comédiennes intéressées par ce texte ? convaincre des programmateurs ? faire venir des spectateurs ?
Danièle Léon: L'austérité du texte tient aussi à sa longueur. Et l'adaptation de Jean-Luc Jeener pour 1h10 de représentation, en ayant extrait 10 pour cent de l'oeuvre, savamment choisi dans ce qui résonne avec "les Mystères" de notre 21eme siècle, en fait un spectacle qui nous traverse de bout en bout avec la flamme de ses interrogations sur ce que c'est que de voir le monde souffrir et de ne pas savoir comment aider. Après une représentation donnée en janvier dernier à l'Atelier du Verbe, un spectateur m'a confié: "ah! je n'arrivais pas à lire le texte de Péguy. Maintenant je sais que j'ai tout reçu..." Les trois comédiennes (Maud Imbert pour Jeannette, Pauline Mandroux pour l'amie Hauviette, Florence Tosi pour Madame Gervaise) sont restée fidèles à l'aventure depuis la création, dans ses tournées successives, et c'est justement leur interprétation, longuement préparée avec Jean-Luc, qui donne tout le cachet à la pièce, qui nous saisit d'emblée, en direct avec les personnages. Chose bien étonnante, lorsque j'ai cherché dès novembre 2013 un théâtre à Avignon pour le Festival 2014, j'ai eu trois jours après l'envoi du dossier et du teaser une réponse positive du théâtre du Verbe Fou pour une co-réalisation.
Amitié Charles Péguy: En quoi le texte de Péguy trouve-t-il un écho aujourd'hui ?
Danièle Léon: En prenant comme sujet La guerre de cent ans et la façon dont Jeanne a choisi de s'y investir, Péguy s'en sert comme d'un "prétexte" pour prévenir de la guerre moderne, dont il avait prophétisé les symptômes annonciateurs dès l'aube du 20ème siècle, à savoir la mécanisation pénétrant dans tous les domaines, volant à l'homme son libre jugement, son sens de l'initiative, l'embarquant dans une Histoire où les décideurs sont des systèmes, des pouvoirs, des intérêts. Péguy est aussi celui qui a dépeint la vertu d'Espérance: dans le temps des évolutions, des métamorphoses... à condition de ne pas mécaniser ce temps, et de le respecter dans sa vie imprévisible, au creux de l'intériorité de chacun. Seulement ainsi l'Histoire pourra redevenir créatrice de valeurs, nourries par l'immense diversité des individus que nous sommes!
Propos recueillis par Olivier Péguy
Ci-joint : le dossier de présentation du spectacle (format pdf).
Par : Marie Véronique RABAN
Note :
Titre : Myharitéstère de la c
Avis : J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton article, Danièle ; je te félicite de soutenir des textes de cette qualité et de permettre aux jeunes générations d'aborder ce pan si négligé de notre culture. et pourtant il est si nécessaire et salutaire dans notre actualité : merci donc. Marie Véronique