Il y a 100 ans, le 276e régiment, celui de Péguy, faisait escale à Loupmont. Ce samedi, ce petit village de la Meuse commémore cette page d'histoire, avec plusieurs manifestations (office religieux, inauguration d'une plaque et partage d'une "tarte laïque" à la mairie). L'initiative de cette journée revient à Phil Donny. Artiste-peintre, il a d'ailleurs réalisé une fresque en hommage à Péguy (voir ci-contre). Il s'en explique.





Amitié Charles Péguy : Pourquoi et comment vous êtes-vous intéressé à Charles Péguy ?

Phil Donny : Je connaissais très mal Charles Péguy mais des lectures indirectes me l’ont fait découvrir. Je pense à l’excellent Philippe Muray, grand "mécontemporain" qui le cite abondamment et aussi à Marc Fumaroli qui dans son dernier livre évoque Péguy et tous ces grands auteurs français oubliés que la modernité a soigneusement tenus à l’écart. Appliquer le zéro de regard à tous ces gêneurs est une stratégie avantageuse qui fait croire que la liberté est respectée. J’ai aussi depuis plus de 10 ans engagé un combat et une réflexion sur l’ "art contemporain" que l’idéologie post-moderne impose et qu’il est impossible de critiquer. En lisant l’œuvre du maître, j’ai découvert qu’il m’avait précédé…..et de quelle manière en menant ce combat contre la bêtise, la démagogie et la trahison. Je connaissais l’épisode historique du passage de Péguy à Loupmont (une plaque est apposée à l’église). Tout était prêt. J’ai lu presque toute l’œuvre en prose. Péguy entrait dans mon Panthéon.

Amitié Charles Péguy : Vous êtes artiste peintre. Vous avez ainsi réalisé une fresque en hommage à Charles Péguy. Que représente cette fresque ?

Phil Donny : En tant que peintre héritier de la grande tradition picturale européenne (Muray et Fumaroli en parlent très bien) et en tant que défenseur de la peinture (qui a subi une mise à mort au long du 20ème siècle) et de la représentation, j’ai voulu incarner ce projet en représentant 18 habitants de Loupmont de 2014. La belle côte de Loupmont et son église accrochée à mi-côte servent d’écrin à cette composition dans laquelle émerge le visage de Péguy telle une apparition surnaturelle. Tous les personnages n’ont pas conscience de cette apparition puisqu’ils lui tournent le dos ; seule la petite Louise qui vient de l’apercevoir s’en émeut et le dit à sa maman. L’âne artiste Bourriquet figure en plein milieu, au croisement des deux diagonales.

Amitié Charles Péguy : Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser cette fresque ?

Phil Donny : J’ai mis 9 longs mois pour la finir en ne travaillant pas toujours régulièrement. J’ai galéré car le format est grand, la composition relativement simple mais la difficulté vient qu’il y a 18 portraits à ne pas rater, qu’il faut régler les lumières et que toute la composition soit vivante. Je n’en suis pas totalement satisfait mais j’ai mis la touche finale parce qu’à un moment il faut choisir et s’arrêter. Péguy nous a expliqué cela avec génie.

Amitié Charles Péguy : Quelles sont les caractéristiques de cette fresque ?

Phil Donny : Il s'agit d'une peinture à l’huile sur bois de 122cm x 238cm. J’ai utilisé des panneaux de "médium" que j'ai fait découper au format que je veux puis j'ai préparé la surface avec un enduit. l'inconvénient, c’est que c'est très lourd. L’œuvre sera exposée à l’église pendant la messe du centenaire puis elle sera exposée à la Galerie du Loup.

Amitié Charles Péguy : Quel a été l’accueil des autorités et de la population à votre projet (fresque, lectures, "tarte républicaine") ?

Phil Donny : Tout le monde ne l’a pas encore vu mais tous ont accueilli le projet avec bonheur. Beaucoup ne disent pas directement, ce sont des taiseux... En règle générale, la plupart des visiteurs se fendent d’un "pas mal...", traduire "réussi". Le commentaire le plus enthousiaste vient de mon ami paysan Denis Grandjean (placé juste à l’extrême droite avec un chevreau dans les bras) qui m’a ému et bien fait rire en me déclarant tout de go : "Hé Phil, y’en a, quand ils vont voir ton tableau, ils vont tomber le cul par terre !" Je ne pouvais rêver meilleure appréciation de la part de cet homme bon qui a gardé la curiosité de l’enfance.

Amitié Charles Péguy : Qu’aurait pensé Péguy de votre œuvre ?

Phil Donny : Difficile à dire. Il aurait peut-être apprécié d’être parmi ce "petit peuple", ces gens ordinaires qu’il n’avait jamais oubliés.

Amitié Charles Péguy : Qu’est-ce que vous auriez voulu lui dire, si vous l’aviez croisé en août 1914 à Loupmont ?

Phil Donny : Protégez-vous !", mais ça n’aurait servi à rien...

Propos recueillis par Olivier Péguy



Pour aller plus loin :

>> Phil Donny et la Galerie du Loup - cliquer ici.
>> l'Eglise de Loupmont - cliquer ici.
>> la journée de commémoration à Loupmont - cliquer ici.