Le dernier numéro d'"Europe" (N° 1024-1025 / août-septembre 2014) est consacré à Charles Péguy. Cette revue littéraire mensuelle ouvre ses pages à de nombreux contributeurs qui, tous, à leur façon, donnent à voir une facette du fondateur des Cahiers de la Quinzaine, et témoignent leur attachement à sa pensée. Extraits.

« Pour la première fois depuis sa fondation par Romain Rolland en 1923, Europe a souhaité, loin de l’icône de son auteur, donner de cette œuvre une idée de sa fraîcheur révolutionnaire et de son élan vital, à telle enseigne qu’elle peut toucher aujourd’hui le lecteur le moins prévenu, le moins habitué. De même qu’il n’y a pas plus de fatalité dans l’usage du mot "événement" qui s’est vidé de son sens dans l’actualité, qu’aux "commémorations" qui n’ont d’égal que l’assèchement de toute mémoire, de même Péguy n’est peut-être pas un écrivain-mort-à-la-guerre 23, comme on voudrait nous le faire croire pour nous éviter de le lire :"Moi je crée. Il faut créer." »

Jérôme Roger

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« Péguy c'est comme un arbre. Quand on regarde un arbre on ne demande pas si c'est logique. Si la logique de cet arbre est de pousser. Comme à Péguy, on ne demande pas si c'est logique que ça parle. Car ça parle. C'est comme un fleuve. Ou plutôt comme le sève d'un arbre. Ça ne fait que monter. Les dernières œuvres ont monté si haut dans le paysage littéraire français, qu'il faudrait imaginer un arbre antédiluvien. Un vieil arbre qui monterait encore. Une sève d'arbre qui monterait si haut que ça nous en donnerait le tournis. Et ça nous donne un sacré tournis. C'est le tournis des possibles. Tout est possible à chaque phrase avec Péguy. La sève tourne dans tous les sens. L'arbre Péguy a plusieurs branches. Chaque phrase peut proposer de nouvelles ramifications, et si j'ose dire, de nouveaux bourgeons de pensées. »

Charles Pennequin

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« Il me semble que, dans les grandes réévaluations, l'espèce d'anarchique redistribution des cartes dont nous sommes témoins – du fait que noter époque est intervallaire, incertaine, désorientée –, Péguy, si j'ose dire, remonte et remontera. Nous avons en effet grandement besoin de figures d'insoumission, de radicalité, voire d'une sorte de brutalité pensante, dont Péguy n'était certes pas dépourvu. (…)

Il fait partie de cette génération intellectuelle pour laquelle l'affaire Dreyfus a été constitutive d'une nouvelle subjectivité politique. C'est cette génération, et non Sartre, qui invente dans les faits la figure de l'engagement. Et qui donc a été plus engagé dans sa vie et son œuvre que Péguy ? »

Alain Badiou

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Sommaire

Jérôme ROGER : « Toucher à l'autre bord ».

Charles PENNEQUIN : L'arbre Péguy.

Jean BASTAIRE : Péguy et les catholiques.

Camille RIQUIER : Péguy philosophe, entre la passion et le devoir.

Géraldi LEROY : Péguy-Jaurès, une rupture programmée.

Henri MITTERAND : La quatrième dimension.

Alexandre de VITRY : Politique de l'intenable.

Yves AVRIL : L'étranger au Cahiers de la Quinzaine.

Michel JARRETY : La pensée critique de Péguy.

Jean-François LOUETTE : L'étreinte ajustée.

Yves VADÉ : Le jeu des citations.

Roger DADOUN : Romain Rolland et Charles Péguy, « compagnons » de profonde rébellion.

Géraldi LEROY : Péguy occupé (1940-1945).

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Philippe GROSOS : L'année 1897. L'esthétique des blancs dans l'œuvre poétique.

Claire DAUDIN : Les enjeux d'une nouvelle édition de l'œuvre poétique de Péguy.

Maud GOUTTEFANGEAS : Le bûcheron, le bœuf et la momie.

Jérôme ROGER : « C'est une chanson, dit-on, et on passe. »

Pauline BRULEY : Ève, « inactualité de la forme » ?

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Alain BADIOU : Péguy remonte.

Samir SIAD : Courir le risque de dire Péguy.

Julien COLLONGES et Jérôme SCHWEITZER : 1914, la mort des poètes.

Jean-Pierre MARTIN : Lettre à Charles Péguy au sujet de l'amitié.

Romain VAISSERMANN : Chronologie.