Discours de Jean-Pierre Sueur
Le 08/09/2014
Jean-Pierre Sueur est sénateur du Loiret, ancien maire d’Orléans, ville de naissance de Charles Péguy. Membre du comité d’honneur de L’Amitié Charles Péguy, il avait le déplacement ce dimanche à Villeroy pour assister à la commémoration du centenaire de la mort de Péguy. Il a prononcé quelques mots devant la Grande Tombe. En voici la retranscription.
Chers amis,
Merci de me donner la parole en ma qualité de sénateur du Loiret et d’ancien maire de la ville d’Orléans. Je vais vous parler avec le cœur. Dans la Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres, Charles Péguy écrit :
« Nous allons de l’avant, les mains de long des poches
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours ».
Charles Péguy aimait-il les discours ? Je ne dis pas cela par rapport à ceux qui ont fait de beaux discours. Il écrivait et, au fil de la plume, nous suivions, nous suivons avec lui l’acte d’écriture en lequel la pensée sans cesse progresse. Je m’exprime en tant qu’élu, un de ces élus fantassins de la République qui regarde l’actualité, l’actualité de la politique, et qui se demande chaque jour si la mystique n’a pas été dévorée par la politique, à laquelle elle avait pourtant "donné naissance". Reconquérir la force, la beauté et la noblesse de l’acte politique est un travail de chaque jour. Et nous sommes humbles par rapport à ce travail chaque jour recommencé.
Charles Péguy, il ne faut surtout pas le simplifier. Il fut, vous le savez, hanté par cette idée du mal et de la souffrance. Pourquoi le mal, la souffrance ?
« Clameur dont chancela Marie encore debout »
« Clameur qui sonna faux comme un divin blasphème ».
« Divin blasphème », c’est un oxymore. Un oxymore significatif. La pensée de Péguy n’est jamais close, jamais fermée.
Je veux enfin dire à Charles Péguy – je ne sais pas s’il nous entend, certainement ! – de pardonner toutes les récupérations –un siècle de récupérations en tout genre, de toutes sortes, de brillantes récupérations, d’inconvenantes récupérations, des récupérations à contresens alors que sa pensée était libre. Qu’elle reste éternellement libre, qu’elle récuse par essence toute récupération.
Vous connaissez l’aventure des Cahiers : « Dire bêtement la vérité bête ». Péguy disait qu’on ne peut pas faire à la fois une carrière et une œuvre. Il a choisi d’écrire dans la pauvreté. Il n’aimait pas le "clergé de la pensée".
Alors, je dirai merci à vous tous, je pense à Géraldi Leroy, à Charles Coutel, à Eric Thiers, à Claire Daudin, à Jean-Pierre Rioux, à Damien Le Guay, j’en oublie sûrement, vous tous, vous avez en commun d’œuvrer pour que l’on sorte de la récupération et que Péguy soit connu et aimé pour ce qu’il est et non pas pour les images fausses que l’on s’en est fait.
Et comme cela, la parole si prophétique de Maurice Clavel sera plus actuelle que jamais. Il disait : « Vous verrez, Péguy envahira l’avenir ».
Péguy est un écrivain d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain.
Jean-Pierre Sueur, Villeroy, 7 septembre 2014
(Photo par Véronique Péguy)