Les "Journées Péguy" vues par une des organisatrices
Le 17/11/2014
Le rideau est tombé sur les « Journées Charles Péguy ». Cet événement, organisé à Lyon pour le compte de l'Amitié Charles Péguy, a été porté par des descendants de la famille Péguy. Parmi eux, Véronique Péguy, a accepté de revenir sur ces journées, leur organisation, et d'en dresser le bilan. Interview.
Amitié Charles Péguy : Avec d'autres membres de la famille Péguy, vous avez organisé pour le compte de l'Amitié Charles Péguy, les « journées » de Lyon. Quel était l'objectif de ces journées ?
Véronique Péguy : Notre ambition était de proposer un événement sur mon arrière-grand-père à Lyon. Car c'est là que plusieurs d'entre nous résidons, et nous souhaitions délocaliser les manifestations du centenaire. De nombreux colloques et conférences sur Charles Péguy ont eu lieu cette année à Paris. Or en région, il y a aussi une vraie demande. Et nous l'avions ressenti en sondant notre entourage. C'est ainsi qu'est née cette idée des « Journées Péguy ».
J'ajoute que notre objectif était d'organiser un événement grand public. Notre public visé n’était pas celui des spécialistes et chercheurs sur Péguy mais bien le grand public pour lequel Péguy n’évoque pas grand chose ou de vagues souvenirs d’histoire ou de littérature ou, a contrario, ceux pour lesquels Péguy demeure un vrai compagnon de marche intellectuelle et spirituelle. Nous avons opéré une très large diffusion de l’événement auprès des milieux de la culture, de l’enseignement supérieur, de l’éducation nationale, de l’édition, des décideurs politiques, des sphères religieuses. Dans la conception des journées comme dans le choix des intervenants et des lieux, nous avons toujours essayé de garder à l'esprit le souci de rendre Péguy le plus accessible possible. Il allait évidemment de soi que ces « journées » devaient être gratuites et ouvertes à tous.
Amitié Charles Péguy : Vous parlez des intervenants, des lieux et des thèmes. Comment s'est opéré le choix ?
Véronique Péguy : Il y avait pour nous, la volonté profonde de parler de Péguy dans plusieurs lieux à haute valeur symbolique, et de ne pas le cantonner dans un seul cercle.
Nous avons ainsi identifié plusieurs sites susceptibles d'accueillir un public si possible différent d'une journée à l'autre. Le public venant à l'université n'est pas forcément le même que celui qui fréquente une bibliothèque municipale, qui n'est pas le même que celui qui pousse les portes de l'université catholique...
Ces trois établissements (l’Université Lumière Lyon 2, la Bibliothèque municipale de Lyon, l’Université catholique de Lyon) ont accédé à notre demande, saisissant l'intérêt de notre projet.
Outre les sites différents, l'idée était aussi pour nous de présenter plusieurs facettes de Charles Péguy. On le dit « inclassable », mais il faut bien essayer de l'aborder de sorte à ce que le public cerne un peu l’homme. Le public sait généralement que Péguy est un écrivain, un poète. Mais quel genre d'écrivain ? Pourquoi n'est-il plus vraiment lu aujourd'hui ? Et pourquoi, malgré tout, en parle-t-on encore 100 ans plus tard ? Une multitude d’ouvrages ont paru dernièrement sur lui. Cela a constitué le point de départ de la journée « Péguy écrivain ».
Ensuite, Péguy a l'image d'un écrivain catholique. Certes, mais quel chrétien est-il ? Que contiennent ses œuvres qui justifient qu'aujourd'hui encore, certains y puisent de quoi nourrir leur spiritualité ? C'est à partir de ces questions que nous avons bâti la journée « Péguy prophète ».
Enfin, le centenaire de la mort de Péguy coïncide avec toutes les grandes cérémonies du souvenir autour de la Grande Guerre. Pour nous, il y avait donc une certaine pertinence à évoquer le Péguy de 1914, celui qui part défendre la patrie en danger. Dans quel état d'esprit s'est-il engagé ? Que dire de sa mort, quelques semaines après celle de Jaurès ?... Cela s'est traduit par la journée « Péguy combattant ».
Enfin, concernant les intervenants, nous avions la volonté de faire appel aux éminents connaisseurs de Péguy au sein de l'Amitié (et nous remercions infiniment Claire Daudin et Jean-Pierre Rioux, venus de Paris), mais nous voulions aussi qu'interviennent ceux qui, à Lyon, connaissent et aiment Péguy. Là encore, nous avons cherché à faire témoigner des personnalités venues d'horizons assez variés, pour montrer combien la pensée de Péguy peut avoir un écho dans des milieux différents (enseignant, écrivain, comédien...), laïcs et religieux, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes...
Amitié Charles Péguy : Quel bilan faites-vous de ces trois journées ?
Véronique Péguy : Un bilan très positif ! Tout s'est bien déroulé, les intervenants ont répondu présent en livrant des témoignages et des commentaires intéressants, instructifs, fins, spontanés, parfois touchants. Et surtout, le public est venu assez massivement. On estime à près de 500, le nombre de participants cumulés sur les trois jours. Et d'après les impressions recueillies auprès d'eux à l'issue des conférences-débats, on a senti un réel intérêt pour lire ou relire Péguy. Les journées ont été enregistrées et retransmises sur le web pour la journée « Péguy écrivain » et radiodiffusée sur RCF pour la journée « Péguy prophète ». En tout cas, vous pouvez les trouver sur le site web et la page Facebook de l’Amitié Charles Péguy.
Au chapitre des regrets, on est bien obligé de souligner l'absence des autorités. La ministre de la Culture s'était excusée tout comme le directeur régional des Affaires culturelles Rhône-Alpes et l'adjoint au maire de Lyon en charge de la culture. Et puis, on déplore également le désintérêt de la presse pour cet événement. Hormis RCF (partenaire des « Journées ») et Le Progrès, les autres médias ont passé ces journées sous silence. C'est d'autant plus dommage que le public, lui, répondait présent...