"Pensée de Péguy", les actes du colloque
Le 30/03/2015
En mai dernier, Camille Riquier, Frédéric Worms et Benoît Chantre ont organisé à Paris un colloque intitulé "Pensée de Péguy". Moins d'un an plus tard, les actes de ce colloque viennent d'être publiés, aux éditions Desclée de Brouwer, sous le même intitulé. L'ouvrage reprend la plupart des communications présentées lors du colloque (voir sommaire ci-dessous), permettant d'apporter un éclairage varié (à l'image des contributeurs) et original sur la pensée de Péguy.
Nous reproduisons ici un extrait de la préface, avec l'aimable autorisation des auteurs.
Ce volume collectif rassemble les actes du colloque que nous avons organisé le 14 et 15 mai 2014 à l'École normale supérieure et à l'Institut catholique de Paris. Tout le monde sait pourtant que Péguy s'est moqué des commémorations. Il nous avertissait qu'il y a des événements historiques qui sont déjà en soi des commémorations, la prise de la Bastille par exemple : il avait juste fallu que le peuple se baissât pour la ramasser... Il doit aussi y avoir en retour des commémorations qui sont des événements intérieurs, et qui signalent l'actualité, jusqu'ici en réserve, d'une pensée. Bien loin de la mort de Péguy, c'est sa vie, sa vitalité même, et celle de sa pensée surtout. C'est elle qui continue à œuvrer et à s'exercer sur les esprits les plus divers.
Ce qui réunissait les conférenciers de ces deux journées, c'étaient cette œuvre et cet homme, mais cela suffisait. Pour certains, certes, ils n'étaient pas même des spécialistes; mais tous le connaissaient intimement, parlant de lui, parlant d'eux-mêmes. En cela, ce colloque fut singulier, différent de ceux auxquels nous avions coutume de participer, qui laissait parfois deviner le feu intérieur animant secrètement tel ou tel, sitôt qu'il se tournait vers Péguy. Aussi ne devons-nous pas nous étonner qu'il y ait, présentés dans ce volume, plusieurs Péguy possibles qui ne sont pas forcément cohérents entre eux. Tailler, choisir, préférer, c'eût été confondre tous les plans et oublier qu'une pensée n'est vivante que prise dans les contradictions qu'elle continue de susciter.
Cent ans plus tard, l'œuvre de Péguy est désormais accessible, restituée dans son intégralité, grâce au travail d'édition de Robert Burac dans la "Bibliothèque de la Pléiade" (1987, 1988, 1992), qu'une nouvelle édition des textes poétiques et dramatiques est venue rejoindre (2014). Elle est celle d'un révolutionnaire, d'un socialiste, d'un historien, d'un journaliste, d'un pamphlétaire, d'un philosophe, d'un poète, et davantage encore. Elle est surtout celle d'une pensée entière et indisciplinée, qui récuse toute distinction ou découpage scolaires qui obligeraient à appauvrir et à tronquer le réel dont elle veut être le témoignage. A l'heure où les savoirs universitaires cherchent, parfois désespérément, à créer des chemins de traverse pour communiquer entre eux, elle est là, désormais, qui s'impose, déborde de toutes parts, bouleverse nos manières académiques et demande à chacun d'interroger les frontières qu'il peut être tenté de fixer pour soi et pour les autres. Parce qu'elle a pris la radicalité qu'il estimait être celle de la philosophie, la pensée de Péguy est sortie des espaces clos et intéresse à la fin tous les champs de la vie et de la connaissance. Ici même, des murs s'effritent, et des communications imprévues trouvent la lumière.
Benoît Chantre, Camille Riquier, Frédéric Worms - décembre 2014
SOMMAIRE
I – Relations
« Une histoire arrivée à la chair », par Benoît Chantre
Bergson à point nommé, par Jean-Michel Rey
« Moi seul ai la plume assez dure... », par Frédéric Worms
Péguy et Mounier : des nouveaux éléments de compréhension d'une relation, par Jean-François Petit
II – Réflexions
La perte dans la pensée de Charles Péguy, par Jean-Louis Chrétien
Les Confessions de Péguy, par Camille Riquier
Péguy individualiste : remarques sur une « sensibilité », par Alexandre de Vitry
De la série dans les idées : les parasynonymes de Péguy, par Pauline Bruley
III – Retours
Péguy et le point de vue historique, par Pierre Manent
« par pitié du Père, il eût sa mort humaine » La Passion selon Charles Péguy, par Emmanuel Falque
Sur le style héroïco-tragique de Péguy, par Philippe Grosos
IV – Répliques
Le dreyfusisme intempestif de Charles Péguy, par Alain Finkielkraut
Pour laisser mûrir la « cité harmonieuse », ne pas déconstruire la cité d'aujourd'hui..., par Damien Le Guay
Péguy et Heidegger, par Yann Moix
V – Reprises
Contre le gros animal : d'un certain jansénisme en politique, par Jacques Julliard
Charles Péguy, directeur de revue, par Marc-Olivier Padis