Deux journées consacrées à Charles Péguy ont été organisées fin octobre à Plaisance-du-Gers (Gers). A l’origine de cet événement, l'association Orgue, Culture et Musiques en Val d'Adour.

Pour faire échos à ces journées Péguy, nous avons interrogé un des initiateurs de l’événement, Daniel Birouste, maître facteur d'orgues, responsable de la Manufacture d’orgue.

 

Amitié Charles Péguy : En quoi ont consisté ces deux journées ?

Daniel Birouste : Ces journées étaient constituées de différentes rencontres destinées à mieux faire connaitre Charles Péguy. Elles avaient d'ailleurs repris comme thème général le titre du livre de Jean Bastaire Péguy tel qu'on l'ignore.

Une première rencontre eut lieu, le vendredi après-midi 30 octobre dernier, au Cinéma Europe -le cinéma de Plaisance-du-Gers- avec la présentation du documentaire sur Charles Péguy réalisé par le Conseil Général des Hauts-de-Seine. Ce documentaire nous a tous passionnés. Une quarantaine de personnes étaient au rendez-vous. Le comédien Michel Béatrix, déjà arrivé à Plaisance, s'est admirablement prêté au jeu des questions-réponses sur Charles Péguy. Michel Béatrix nous a ensuite parlé de sa propre découverte de cet auteur qui a changé sa vie !

Le lendemain, à la Médiathèque, une cinquantaine de personnes étaient venues rencontrer Michel Béatrix. Une moitié du public avait assisté à la rencontre de la veille et une moitié était composée d'autres visages. Cette rencontre fut également passionnante et complémentaire à celle de la veille car Michel Béatrix a parlé davantage de son amour pour Charles Péguy, l'indigné. Il nous a lu différents textes pris au hasard des écrits de Péguy. Cette rencontre permettait de nous donner rendez-vous pour nous retrouver l'après-midi où était programmé le grand « concert Péguy » dans l'église ! (notons ici que Plaisance-du-Gers est un village de 1500 habitants où s'est développée une vie culturelle très animée depuis la construction de son grand orgue... Plaisance-du-Gers est en communauté de communes avec sa voisine Marciac qui au même moment se développait autour du Jazz !).

Amitié Charles Péguy : Pourquoi avoir organisé un tel événement ?

Daniel Birouste : Dans notre programmation annuelle nous avions décidé d'un événement appelé Concert Spirituel, alliant textes et musiques. Nous avions déjà organisé ce genre de concert dans les années 1990 autour des Chorals de J.S.Bach. La période de La Toussaint permettait de réfléchir à des textes évoquant la mort et la vie, la vie d'ici ou d'au-delà... Etant un des organisateurs du Festival d'Orgue de Plaisance-du-Gers avec Bertrand Lazerme, lyonnais d'origine et dont la maman était une grande amie de la famille Péguy installée à Lyon, le texte de Charles Péguy sur la Passion de Jésus, le Christ, « racontée » par le regard de Marie, sa mère, nous a tout de suite paru approprié...C'est un texte que j'avais déjà entendu chez mes propres parents grâce à un disque 33 tours!, et ce texte avait profondément troublé le gamin que j'étais... Michel et Claire Péguy nous ont orientés vers l'acteur Michel Béatrix et c'est comme cela que s'est structuré ce concert spirituel, dès lors que nous avons pu rencontrer Michel Béatrix que nous ne connaissions pas avant ce projet.

Amitié Charles Péguy : Vous avez mêlé orgue et poésie de Péguy. Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’un tel mélange ?

Daniel Birouste : Notre festival est un Festival d'Orgue depuis vingt-cinq ans. Nous y mêlons souvent d'autres instruments, ou des voix chantées ou parlées. Comme je le disais, le thème de la mort, de la vie et de la douleur était propice et nous a permis d'insérer dans le texte de Charles Péguy, des œuvres pour orgue et des œuvres pour orgue et chant, tel le Stabat Mater de Vivaldi (elle était au pied de la Croix...) qui ponctua le texte à trois reprises ou le grand Notre Père du Dogme en musique (Clavierübung III) de Bach à l'orgue, extraordinaire Choral avec ses rythmes saccadés évoquant la souffrance... Nous avons eu la chance de pouvoir convier à cette rencontre le grand organiste Marc Chiron et un jeune chanteur brésilien, Luan Góes, contreténor que nous avions découvert à Rio de Janeiro lors d'un chantier que nous avons mené là-bas (voir le documentaire « L’orgue de Rio »)

Les pièces musicales remarquablement interprétées complétaient l'émotion et la beauté du texte interprété lui-même avec une intensité incroyable par Michel Béatrix.

Amitié Charles Péguy : Quel a été l’accueil du public ?

Daniel Birouste : La modernité de Charles Péguy, l'actualité même de ses révoltes et de ses combats (quand je pense que nos rencontres Péguy eurent lieu quelques jours avant les attentats de Paris du 13 novembre après lesquels les écrits de Péguy deviennent encore plus d'actualité!), cette modernité, cette actualité ont particulièrement touché notre public. Je n'ai pas encore dit que la Passion fut « portée » par 170 personnes présentes, dans un silence d'une densité peu commune durant les deux heures qu'a duré ce concert spirituel dans l'église... Et les auditeurs n'ont pas trouvé trop long, même une petite fille de trois ans était là, silencieuse et ébahie ! Ce fut vraiment, pour tous et toutes, une rencontre dont l'intensité sera inoubliable. 40 puis 50 puis 170 personnes... Vous voyez que Péguy attire des femmes et des hommes éveillés, même en pleine campagne ! Nous espérons reproduire ce concert spirituel ailleurs car il « parle » à tous, croyants ou non-croyants, comme « parlent » à tous les textes si forts de Charles Péguy lorqu'on a pris le temps de les découvrir ou de les redécouvrir !

Propos recueillis par Olivier Péguy

Pour aller plus loin :

« Michel Béatrix raconte Charles Péguy à la médiathèque » - article paru dans Sud-Ouest, à lire en cliquant ici.

« Les "Automnales de l'Orgue" - Autour de Charles Péguy » - article paru dans Le Journal du Gers, à lire en cliquant ici.

« L'orgue et la poésie de Péguy » - article paru dans La Dépêche, à lire en cliquant ici.