L'actualité de "Notre jeunesse", par René Dosière

Notes des internautes : Note moyenne 5 Voir les avis des internautes (1)

Le 05/12/2010

Image :


2010 marque le centenaire de la publication de Notre jeunesse, écrit par Charles Péguy. Dans ce livre, l'écrivain met en perspective la France de son époque avec l'histoire depuis la Révolution jusqu'à la Troisième République. Charles Péguy revient aussi largement sur l'Affaire Dreyfus, avec cette phrase célèbre : « Tout commence en mystique et finit en politique ».



Le samedi 4 décembre 2010, l'Amitié Charles Péguy a organisé à Paris un colloque intitulé « Jeunesse de Notre jeunesse » (l’Amitié Charles Péguy consacrera un de ses prochains bulletins à ce colloque). Parmi les intervenants, René Dosière, député de l'Aisne (apparenté socialiste). Fidèle lecteur de Péguy, il livre son commentaire sur l'actualité de Notre jeunesse.



« Cent ans plus tard, je suis frappé de constater à quel point les réflexions de Péguy restent d’actualité. J’en prendrai trois exemples. Quand on lit la partie de son texte sur la "dérépublicanisation" de la France, quand il dit notamment combien nos jeunes gens sont devenus étrangers à tout ce qui fut la pensée même et la mystique républicaine (et il dit cela 40 ans après l’installation de la IIIème République), comment ne pas évoquer aujourd’hui, 50 ans après l’installation de la Vème République, l’évolution de la pratique constitutionnelle de cette Vème République, qu’il s’agisse aussi bien d’ailleurs de la présidence, du gouvernement t ou de l’Assemblée nationale ?



Deuxième exemple : dans Notre jeunesse, il y a le passage sur les élections (« ces élections aujourd’hui nous paraissent une formalité grotesque, universellement menteuse, truquée de toute part, et vous avez le droit de le dire. Mais des hommes ont vécu, des hommes sans nombre, des héros, des martyrs et je dirai des saints. Des hommes ont vécu sans nombre, héroïquement, saintement. Des hommes ont souffert, des hommes sont morts. Tout un peuple a vécu pour que le dernier des imbéciles ait le droit aujourd’hui d’accomplir cette formalité truquée »). Comment, avec ces lignes, ne pas évoquer la montée inquiétante de l’abstention aux diverses élections actuelles, y compris municipales ? En trente ans, les abstentions ont augmenté de 15 à 20 points pour chaque type d’élections. Aujourd’hui, certains nous expliquent que ces abstentions sont la norme d’une démocratie apaisée. Pour d’autres, il s’agit d’une comédie électorale sans grande signification à laquelle il ne faut pas participer. A tous ces commentaires, il suffit de renvoyer à Péguy et aux phrases que je viens de citer. Ayant eu par ailleurs l’occasion de suivre le déroulement d’élections dans des pays africains après plusieurs années de dictature ou de guerre civile, le Mozambique et la Tanzanie, je dois vous dire mon étonnement et mon admiration devant l’enthousiasme que suscitait le scrutin. Je garde l’image de ces femmes en habit de fêtes, avec les bébés sur le dos, qui attendaient des heures durant, après avoir fait une longue marche, d’ailleurs, avant de pouvoir, comme le dit Péguy, déposer leur bulletin dans l’urne. Et je repense à ce moment-là à cette phrase de Notre jeunesse : "Des peuples autour de nous, des peuples entiers, des races travaillent et luttent pour obtenir cette formalité dérisoire".



Troisième illustration : le passage sur l’argent ("l’argent est tout, domine tout dans le monde moderne, à tel point, si entièrement, si totalement que la séparation horizontale des riches et des pauvres est devenue infiniment plus grave, plus coupante, plus absolue, si je puis dire, que la séparation verticale de races des juifs et des chrétiens"). Evidemment, ce texte sur l’argent m’a tout de suite fait penser à une autre phrase sur l’argent prononcée 60 ans plus tard à Epinay, par François Mitterrand : "l’argent qui corrompt, l’argent qui achète, l’argent qui écrase, l’argent qui tue, l’argent qui ruine et l’argent qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes". Quand on a entendu ces phrases et qu’on se remémore la liste des malversations financières (c’est un euphémisme) qui vont se multiplier sous la présidence de François Mitterrand, et que symbolise la nomination ministérielle de Bernard Tapie, et bien on voit bien qu’est parfaitement illustrée cette phrase de Péguy : "tout commence en mystique et finit en politique". »


Avis sur cette article : 1 | Donner son avis Voir tous les avis Retour aux actualités

Par : auguste unat

Note : Note 5

Titre : juste un hommage

Avis : Je découvre Péguy un peu tardivement,mais qu'importe;il est des découvertes qui rachètent tout un passé.D'un côté mes études universitaires,de l'autre l'emprise d'une actualité qui nous dicte ce qu'on doit lire m'ont empêché de connaître cet homme dont le nom est peu ou pas du tout pronocé et dont l'oeuvre est non seulement méconnue mais aussi,je le pense,sciemment ignorée.Ses convictions ainsi que certains aspects de sa vie me le rend proche,presque un "intime".je m'affiliais peu ou prou à Pascal,à Kierkegaard,à Lévinas,à Michel Henry.Chez Péguy,je me reconnais aussi avec émerveillement et fièrté.Merci pour cette belle page.