Péguy, Père ou fils de l’Eglise
Le 18/05/2011
« Il importe extrêmement de ne pas m’affubler en Père de l’Eglise. C’est déjà beaucoup d’en être le fils », écrivait Péguy à son ami Joseph Lotte au moment de la sortie du Mystère des saints Innocents. L’auteur se retrouve pourtant en bonne place dans le remarquable Dictionnaire contemporain des Pères de l’Eglise que vient de publier Marie-Christine Hazaël-Massieux aux éditions Bayard. Il est cité à l’article « Espérance », devant Guerric d’Igny, saint Augustin, Anselme de Cantorbéry et quelques autres.
Péguy n’est pas la seule référence contemporaine que s’autorise l'auteur : tout à son souci de faire résonner l’apport des Pères de l’Eglise dans le cœur des lecteurs d’aujourd’hui, elle se livre avec pédagogie et talent à un va-et-vient entre les écrits des grands auteurs patristiques et ceux de théologiens ou d’écrivains plus proches de nous dans le temps. Péguy a donc toute sa place dans cet ouvrage, aux côtés de Claudel et de François Cheng.
Loin de reprocher à l’auteur d’avoir illustré son article sur l’espérance par un beau passage du Porche du mystère de la deuxième vertu, nous lui serons gré de mettre Péguy à sa place, parmi les grands maîtres spirituels. En revanche, on peut regretter que la notice censée le présenter en fin de volume reprenne des idées reçues qui ne vont pas dans le sens de la vérité, sur Péguy d’abord «socialiste, laïc, anticlérical », se séparant « progressivement de la gauche » pour devenir « un militant nationaliste à la veille de la Seconde guerre mondiale ». Rappelons que Péguy n’a jamais été aussi férocement anticlérical que lorsqu’il a proclamé sa foi catholique, sa période athée se caractérisant au contraire par une dénonciation très claire des dérives anticléricales du radicalisme au nom de la liberté de conscience. Péguy est resté socialiste, et son amour pour la France ne date pas de la menace de guerre. Mais tout cela, Marie-Christine Hazaël-Massieux et ses lecteurs pourront le découvrir en naviguant sur le présent site internet !
Claire Daudin