Un lecteur de Péguy : Jean Bastaire

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Le 26/09/2011

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Né en 1927, Jean Bastaire se définit lui-même comme un «chrétien catholique socialiste libertaire». Cet intellectuel a d'abord été journaliste puis écrivain. Il a participé pendant près de 30 ans à la revue Esprit. Depuis les années 70, il milite pour une « écologie chrétienne », un thème de réflexion qu'il a développé dans plusieurs ouvrages. Jean Bastaire est aussi un grand spécialiste de Charles Péguy, auquel il a consacré de nombreux livres qui font autorité.



 



AVERTISSEMENT : «Lecteur de Péguy », ainsi s'appelle la nouvelle rubrique que nous lançons sur notre site. Chaque mois, nous donnerons la parole à des hommes et des femmes qui disent avoir été marqués par la lecture de Charles Péguy. Ils nous diront pourquoi et comment. Pour inaugurer cette rubrique, un des meilleurs péguystes : Jean Bastaire.



L'intégralité de cet entretien est à lire dans le prochain bulletin de l'Amitié Charles Péguy.



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Amitié Charles Péguy (ACP) : Dans votre autobiographie spirituelle, L’Apprentissage de l’aube (Ed. Du Cerf), vous dites que l’abbé Ducretet, qui vous accompagnait dans votre quête religieuse à l’orée de la vie adulte, vous prêta les Morceaux choisis, poésie de Péguy : « je fus intéressé, mais pas encore conquis ». À quel moment peut-on vraiment parler de rencontre avec le poète ?



Jean Bastaire : Ma vraie rencontre se produisit peu après, dans les mêmes mois, grâce au Porche du mystère de la deuxième vertu qui me vint lui aussi de l’abbé Ducretet, mais par l’intermédiaire d’Hélène, ma fiancée et bientôt mon épouse. Je fus bouleversé par les pages sur la nécessité de s’en remettre à Dieu chaque soir des soucis qui nous rongent. Je sortais du désespoir. (…) C’est dire que ma rencontre avec Péguy a été dès ce moment existentielle et qu’elle n’a jamais cessé de l’être. (…)



ACP : Des complicités biographiques se sont-elles développées et approfondies à la suite de cette rencontre ?



JB : Elles ont été fondamentales. Comme Péguy, je suis d’un milieu populaire artisanal. Mon père et ma mère étaient artisans-imprimeurs. Comme Péguy, je suis allé au catéchisme et j’ai fait ma première communion. Mais je n’ai reçu aucune éducation chrétienne à la maison comme à l’école. Mes parents étaient complètement indifférents à la foi. C’est ce que j’appelle être « inchrétien », empruntant à Péguy ce vocable qu’il a forgé. L’« inchrétien » n’est pas seulement incroyant, mais étranger à la croyance comme quelqu’un qu’elle n’a pas encore atteint. Il n’est pas déchristianisé, mais relève d’une terre de mission. Péguy avait très bien repéré ce phénomène en France dès la fin du XIXe siècle. Troisième consonance : l’école républicaine et laïque. Péguy et moi, nous appartenons au même milieu culturel et religieux d’origine. Notre religion est celle instaurée par Jules Ferry, avec pour grands apôtres Hugo et Michelet, et pour les instituteurs les romanciers alsaciens Erckmann-Chatrian. (…) Ma quatrième consonance avec lui tient précisément à un cheminement spirituel comparable que j’ai seulement accompli à un âge plus juvénile, autour de ma vingtième année. Mais comme lui, j’ai toujours revendiqué la profonde cohérence entre l’origine « inchrétienne » de ma vie et son débouché dans le christianisme. (…) Nos histoires sont semblables. C’est pourquoi Péguy m’a accompagné toute la vie et permis de devenir le chrétien catholique socialiste libertaire que je suis toujours.



ACP : Quelle œuvre de Péguy conseilleriez-vous à quelqu’un qui ne le connaît pas ? Votre future épouse vous donna à lire Le Porche. C’est aussi par là que beaucoup de lecteurs ont commencé.



JB : Je ferais le même choix, mais en insistant pour que soit lu parallèlement son chef-d’œuvre en prose, Notre jeunesse. Il ne faut absolument pas déconnecter la vie intérieure de Péguy de sa vie active dans la cité. Il ne faut surtout pas séparer chez lui la poésie de la prose. La même mystique s’y exprime, celle du charnel enfantant le spirituel. Car lorsqu’il oppose précisément dans Notre jeunesse mystique et politique, ce n’est pas la politique qu’il rejette, mais la politique vidée de toute mystique, à commencer par celle de la cité. (…) Dans l’édition poche de Notre jeunesse que j’ai établie pour Folio-Gallimard, j’ai tenu à joindre un court texte de jeunesse, daté de 1901. Intitulées De la raison, ces vingt-cinq pages sont d’une actualité étonnante, car Péguy encore athée y fustige l’usage totalitaire que le monde moderne fait de la raison.



ACP : Une belle part de votre travail sur Péguy a consisté à lutter conte les « méconnaissances » de Péguy, tout en faisant une histoire critique de sa réception. Aujourd’hui, vous semble-t-il que Péguy soit moins défiguré qu’avant ?



JB : Je suis d’une génération où Péguy semble n’avoir été que trop connu et où on pensait le moment venu de le mettre au placard. Dans les années trente, il y avait eu la renommée de « Péguy catho », pèlerin de Chartres. Puis, pendant la guerre et l’occupation s’était créée une situation qu’après la libération on a odieusement maquillée sous le sigle de « Péguy-Pétain », au mépris total de la vérité. De 1939 à 1945, Péguy n’a pas été seulement revendiqué par Vichy, mais par la résistance intérieure et extérieure, à Londres comme à Alger, à Beyrouth comme à Dakar, aux Etats-Unis comme à la Martinique. Péguy était sur tous les fronts dans un recours unanime à son exemple, au point qu’en 1945, il a été officiellement question de le porter au Panthéon avec Romain Rolland et Henri Bergson. J’ai écrit récemment une réfutation complète de cette imposture (Péguy contre Pétain, Salvator, 2000). En 1950, pour le cinquantenaire des Cahiers, le gouvernement a organisé une soirée solennelle d’hommages à la Sorbonne, avec un très beau discours de Jules Isaac. Mais calomnié, il en reste toujours quelque chose. Après cette date, malgré la publication entre 1952 et 1955 de cinq volumes d’inédits capitaux (Par ce demi-clair matin, L’Esprit de système, Un poète l’a dit, Deuxième élégie XXX, la Thèse), la réputation de Péguy est tombée dans un trou noir, lestée par les deux grosses pierres du « Péguy catho » et du « Péguy-Pétain » qu’on lui avait liées au cou. « Il sent le moisi », disait encore il y a quelques années l’oracle Philippe Sollers. C’est dans ce climat qu’une profonde entreprise de réhabilitation a été conduite. L’initiative en est revenue à un péguyste de la commune espèce, « quidam » inconnu, Auguste Martin, fondateur à la libération de l’Amitié Charles Péguy, qui commença patiemment à recueillir lettres et souvenirs et édita en 1948 l’ouvrage fondamental d’Albert Béguin sur Ève. Dans les années soixante, l’université inaugura de son côté un effort de recherche incomparable, d’abord en Provence, sous les auspices de professeurs comme Jean Onimus et surtout Bernard Guyon, sans oublier Jacques Viard. Et à Orléans, un maire passionné de Péguy, Roger Secrétain, a ouvert un magnifique centre Charles Péguy, lieu de documentation et de recherches comme il en existe peu en France consacré à un écrivain. (…) Depuis vingt ans, la situation a changé. Péguy est sorti de son trou de la manière la plus simple. Une nouvelle génération l’a découvert d’un œil neuf, comme un auteur ancien qu’on ne lisait plus et qui se révélait étonnement jeune et décapant. La malveillance et l’oubli l’avaient nettoyé de ses scories, et l’accès désormais acquis à une connaissance complète et sérieuse de son œuvre faisait merveille.



Propos recueillis par Pauline Bernon, de l'Amitié Charles Péguy.



L'intégralité de cet entretien est à lire dans le prochain bulletin de l'Amitié Charles Péguy.


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Par : rene mazas

Note : Note 5

Titre : enfin peguy

Avis : enfin peguy avec nous dans la modernite

la grandeur et la richesse de cet homme nous manque

cette attente est comblle

cultivons sa pensee et ses visions

son humanite complexe et mystique

ses pelerinages

ses souffrances ses echecs

tout est revivifier et amplifier en notre temps de grande solitude