Une lectrice de Péguy : Marie Boeswillwald

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Le 03/01/2012

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Marie Boeswillwald est étudiante en Lettres et théologie. Elle a découvert Péguy au cours de ses études à l’Institut Albert le Grand d’Angers. Elle s’apprête à poursuivre son exploration de l’auteur par un master à la Sorbonne. Elle nous livre avec maturité et enthousiasme ce que la lecture de ses œuvres lui a apporté.



 



L'intégralité de cette interview est à lire dans le dernier bulletin de l'Amitié Charles Péguy (numéro 135-136, octobre-décembre 2011).



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L’Amitié Charles Péguy : Quand et comment avez-vous fait la rencontre de Péguy ? Car on peut sans doute parler de rencontre.



Marie Boeswillwald : C'est au cours de ma troisième année de licence de lettres que j'ai eu la chance de découvrir un écrivain que je ne connaissais que de nom et uniquement sous l'étiquette restreinte du poète catholique. C'est avec bonheur que je me suis plongée sans aucune idée reçue dans la lecture de cet auteur dont la pensée m'a d’emblée séduite par sa profondeur, sa nouveauté et son côté incisif. Péguy m’a tout de suite subjuguée par son courage, sa soif éperdue de justice, sa recherche inlassable de la vérité, sa noble conception de l’homme et de sa vocation, sa générosité et sa grande liberté d'esprit, résistante à toute épreuve. Je l’admire pour son intégrité morale et intellectuelle, ainsi que pour ses qualités littéraires. Oui, il s'agit bien en effet d'une réelle rencontre au sens le plus fort du terme. Une rencontre qui, je pèse mes mots, a changé littéralement ma vie et m'a entraînée bien plus loin et plus profondément que ce que j'aurais imaginé en ouvrant pour la première fois Notre jeunesse ! Péguy est à mes yeux bien plus qu’un écrivain : on l’a dit prophète, aux accents mystiques. Il est sans conteste un éclaireur, le gardien de valeurs éternelles dont il s’est fait le champion.



L’Amitié Charles Péguy : Péguy est un écrivain à plusieurs visages : poète évidemment, polémiste, historien, philosophe, journaliste, critique littéraire… Quel est celui qui vous touche le plus ?



Marie Boeswillwald : Tous ! C'est justement ce côté kaléidoscope qui est à mes yeux une réelle marque de génie. (...)

Cependant, il est vrai que le Péguy poète me touche tout particulièrement. Ce qui m'étonne et me ravit tout à la fois, c'est qu'un message d'une telle profondeur puisse être véhiculé par un langage si simple: un langage d'enfant, qui n'est puéril qu'en apparence. C'est avec toute son âme et tout son cœur que Péguy écrit, un cœur profondément humain, déchiré, inquiet, aimant, souffrant tout à la fois. Il n’est pas de sentiment humain qu’il n’ose exprimer. Ses poèmes sont un cri, une prière de supplication tout comme une méditation jamais achevée. En cela, je les rapprocherais volontiers des psaumes multiséculaires qui font monter vers le Ciel les joies et les peines de tous les hommes. Par ailleurs, le Péguy philosophe me passionne, le théologien m’émerveille autant qu’il me bouleverse, et le socialiste m’enthousiasme.



L’Amitié Charles Péguy : Pensez-vous que Péguy soit un auteur accessible à la jeunesse d’aujourd’hui ? Les obstacles éventuels tiennent-ils davantage à des facteurs externes, comme la rareté de ses écrits en librairie et dans les programmes scolaires, ou à des facteurs internes liés à son écriture, au contexte historique et culturel de son œuvre ?



Marie Boeswillwald : A défaut d'être facile d'accès, pour les raisons que vous mentionnez très justement, je suis persuadée que Péguy est un auteur qui peut réellement parler à notre jeunesse. Je dirais même que son message lui est nécessaire. Toute sa vie, Péguy s'est battu pour un monde plus juste, dans lequel ne prévalent pas les critères discriminatoires de l'argent et les valeurs asséchantes d'une modernité mécanisée, comprise par ses promoteurs comme le but ultime de l'humanité. Or, le combat qu’il a mené apparaît aujourd’hui comme une urgence. Son message n'a pas pris une ride et me semble plus que jamais d'actualité. Ce serait une solution de facilité de reléguer cet auteur au rang des antiquités, sous prétexte que son style surprend ou est jugé suranné, et sa pensée complexe et insaisissable. Je crois que c'est parce que Péguy dérange qu'il est ainsi mis au ban, mais si l'on accepte un tant soit peu d'entrer dans son raisonnement, sans préjugés, alors, un véritable dialogue peut s'instaurer et l’on ne peut manquer d’en sortir enrichi.

(...)



L’Amitié Charles Péguy : À quelle œuvre de Péguy aimez-vous particulièrement vous ressourcer et vous référer ?



Marie Boeswillwald : Sans hésitation, bien qu'il soit difficile d'accorder ma préférence à tel ouvrage plutôt qu'à tel autre, je dois dire que j'aime tout particulièrement le triptyque des Mystères que je n'ai pas fini de méditer. Les angoisses de Jeanne, son refus d'accepter l'inacceptable -la damnation, ne serait-ce que d’un seul-, sa propension au désespoir et ses efforts désespérés pour trouver une réponse au problème du mal qui la hante, ses tentatives pour conjurer les doutes qui l'assaillent et qui la conduisent aux portes du blasphème, la foi d'enfant et le bon sens d'Hauviette, les paroles sublimes de Madame Gervaise qui tient ferme aux heures d'épreuve, tout est si beau. Rien n'est surfait, s'il y a de nombreuses répétitions, c'est sans aucune redite. Péguy écrit comme il aime et comme il souffre, comme il espère, aurait dit Bernanos. C'est pourquoi il est si touchant et d'un grand secours pour ceux qui, comme lui, cherchent la vérité.



Propos recueillis par Claire Daudin, de l'Amitié Charles Péguy.



L'intégralité de cette interview est à lire dans le dernier bulletin de l'Amitié Charles Péguy (numéro 135-136, octobre-décembre 2011).


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Par : F. Saint Clair

Note : Note 4

Titre : ...

Avis : Saisi par la maturité de cette jeune femme ; et touché par la sincérité de ses propos ; et aussi admiratif de cet engagement de jeunesse ; et puis ravi que ce soit Péguy qui l'ai suscité ; un merci donc, un merci.

Par : Jean-Paul Huet

Note : Note 4

Titre : Auteur-historien-conférencier

Avis : La justesse des propos de cette jeune femme est à souligner. On sent bien que sa découverte de Charles Péguy, son oeuvre, son destin, sa personnalité, ont été des moments importants et décisifs dans sa vie. Un beau témoignage.