Un lecteur de Péguy : François Bayrou
Le 08/02/2012
François Bayrou est un homme politique français, né en 1951 à Bordères, dans les Pyrénées-Atlantiques. Agrégé de lettres classiques, il est d’abord enseignant en même temps que gérant de l’exploitation agricole familiale. Elu local, député, ancien ministre de l’Education nationale, il est président-fondateur du Mouvement démocrate (Modem). Auteur de plusieurs ouvrages politiques et historiques, il ne cache pas son admiration pour Charles Péguy. (Crédit photo : Soizig de la Moissonnière)
L’intégralité de cette interview est à lire dans le dernier bulletin de l'Amitié Charles Péguy (numéro 135-136, octobre-décembre 2011).
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L’Amitié Charles Péguy : Comment avez-vous fait la rencontre de Charles Péguy ? Car on peut sans doute parler de rencontre ?
François Bayrou : Péguy est l’homme de ma vie ou, en tout cas, l’un des deux ou trois hommes ou femmes de ma vie intellectuelle et même spirituelle. Il m’a accompagné sans cesse. Il a été pour moi le compagnon le plus lucide, le plus généreux et le plus drôle que j’aie rencontré. Péguy m’a accompagné et rassuré au sens où, alors que vous êtes un jeune garçon ou un très jeune homme, vous trouvez une pensée qui vous garantit que vous n’êtes pas tout seul, que vos intuitions encore maladroites ont été avant vous ressenties, vécues, assumées, traduites et proclamées par un esprit reconnu et entier.
Il ne se passe pas de semaine, depuis mes quinze ans, sans que je lise Péguy ; c’est à proprement parler mon livre de chevet. Où que je sois, j’ai toujours du Péguy sur ma table de nuit. J’aime autant De la grippe que les textes de sa maturité, de son combat d’avant la guerre, d’avant la mort.
Alors vraiment, on peut parler de rencontre. J'avais un oncle, polytechnicien, fils de paysan des Pyrénées, qui avait le goût de la littérature. Alors que j'avais quinze ans, il me fit lire Notre jeunesse et je n'en suis plus jamais sorti. Mon mémoire de maîtrise a été consacré à une comparaison des deux Jeanne d'Arc, en essayant de comprendre l'itinéraire de Péguy entre le texte de 1897 et celui de 1910.
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L’Amitié Charles Péguy : Que pensez-vous de son itinéraire, du socialiste libertaire au patriote – ou nationaliste, peu importe ? Est-ce un itinéraire que vous comprenez ? Vous semble-t-il cohérent, contradictoire ?
François Bayrou : Je ne dirais pas contradictoire. Vous dites : socialiste libertaire, je n'en suis pas tout à fait sûr. Sa lucidité est ce qu'il y a de plus extraordinaire en lui. Il voit immédiatement le vice. Lorsqu'il dénonce en histoire la méthode de la grande ceinture, il défend l'idée qu'un esprit probe peut aller au cœur des choses. Qu'un esprit peut comprendre directement, sans truchement, un autre esprit ou une autre situation d'humanité. Sa défense de l'esprit de création est également une des plus belles choses qui soit et c'est en quoi il est si proche de Bergson. Péguy lance un gigantesque défi à la réalité en lui disant : je peux te comprendre; je peux comprendre l'univers, l'histoire, l'homme ; je peux comprendre saint Louis, Henri IV, la Révolution française, la France. Nul besoin d'avoir tout compulsé pour toucher le cœur du phénomène que j'étudie. C'est là une revendication d'optimisme et de confiance, sans mesure, dans l'esprit humain.
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L’Amitié Charles Péguy : Comme homme politique, la distinction célèbre que Péguy opère dans Notre jeunesse entre mystique et politique ne vous semble-t-elle pas une impasse ?
François Bayrou : Ce n'est pas que je pense, c'est que je sais qu'il n'y a pas d’œuvre historique pour ceux qui refusent la séparation entre mystique et politique. Il est vrai que le quotidien de la vie politique – ou plutôt des carrières – est dépourvu, privé, amputé de tout idéal aujourd'hui comme du temps de Péguy. De nos jours, ce n'est pas la politique parlementaire, c'est la politique clanique, ce qui est pire. Mais cette vie politique-là a une caractéristique : elle est impuissante, sans effet sur la réalité et sur le monde. Ceux qui peuvent peser sur la réalité et sur le monde sont ceux qui refusent l'amputation et qui continuent à mettre la vision de l'histoire, la volonté d'idéal, au cœur de l'action politique. Pour ceux qui savent distinguer l'essentiel et l'accessoire ou l'anodin, cette dégradation n'est pas fatale. Il faut que la mystique et la politique se fécondent l'une l'autre. Comme il n'existe pas de ruche sans reine, il ne peut y avoir d'action politique si, en son centre, il n'y a ni idéal ni vision. Évidemment, cela oblige à quelque intransigeance, à ne rien céder sur rien ; ce n'est pas le meilleur moyen de faire carrière mais c'est le meilleur moyen de faire histoire et, pour tout dire, de donner sa vie à quelque chose qui vaille la peine. Ce que décrit Péguy est très juste, quand il évoque cette dégradation de la mystique en politique, mais ce n'est pas fatal. Il pose le diagnostic d'un mal à combattre.
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L'intégralité de cette interview est à lire dans le dernier bulletin de l'Amitié Charles Péguy (numéro 135-136, octobre-décembre 2011).
Par : Webmaster
Note :
Titre : Bayrou relit "Notre jeunesse"
Avis : François Bayrou était interviewé ce dimanche 19 février sur RCJ (Radio de la Communauté Juive). A la question de savoir quel était le livre qu'il était en train de lire ou qu'il venait de lire, il a cité "Notre jeunesse" de Charles Péguy.
Dans l'article qui relate cela, il est fait référence à l'entretien que François Bayrou avait accordé à l'Amitié Charles Péguy.
Les détails sur le lien suivant :
http://www.myboox.fr/actualite/francois-bayrou-relit-notre-jeunesse-de-charles-peguy-12485.html
Par : webmaster
Note :
Titre : Bayrou/Péguy/Le point
Avis : A signaler le portrait de François Bayrou dans l'hebdomadaire Le Point (en date du 2 février). L'article, signé Yann Moix, est intitulé "Péguy président". Il rappelle que Francois Bayrou est un "fidèle" de Péguy depuis l'âge de 16 ans. "Comme Péguy, écrit Yann Moix, (Bayrou) ce populaire homme du peuple vomit le populisme, cet homme simple exècre le simplisme".