Ouverture du "Chemin Péguy" (suite)
Le 10/08/2013
Nous avons déjà mentionné dans un article précédent (voir ici), l’inauguration du « Chemin Charles Péguy » entre Paris et Chartres début juillet. Aujourd’hui, nous revenons sur cette aventure au travers d’un article paru ce vendredi 9 août dans le quotidien La Croix. Nous le reproduisons in extenso ci-dessous.
A PIED VERS CHARTRES AVEC PEGUY
Charles Péguy effectua il y a juste cent ans son célèbre pèlerinage vers Chartres. Un nouveau chemin, balisé pour ce centenaire, conduit de Paris jusqu’à la « cathédrale de Beauce ».
Cent ans exactement après le pèlerinage de Charles Péguy vers Chartres, un chemin portant son nom vient de s’ouvrir qui conduit de l’agglomération parisienne jusqu’à la « cathédrale de Beauce ». L’Amitié Charles-Péguy a tracé et balisé cet itinéraire d’environ 100 kilomètres, à effectuer à pied en trois (ou quatre) jours.
Comme autrefois le pèlerin Péguy, ce chemin (1) passe par Limours, Dourdan et Ablis mais, plutôt que de suivre une route nationale encombrée, il emprunte désormais des sentiers de randonnée en pleine nature.
Charles Péguy mourut au tout début de la Grande Guerre, le 5 septembre 1914. Ce normalien agnostique, militant de la « république socialiste universelle », s’était converti vers 1907 au catholicisme. L’ouverture du chemin portant son nom offre ainsi l’occasion à tout marcheur de Dieu, ou simple randonneur, de mettre ses pas dans ceux du pèlerin qui parcourut à deux reprises la distance entre son domicile de Palaiseau (Essonne) et la « flèche inimitable » de Chartres. Officier de réserve, Péguy devait effectuer à chaque fois l’aller-retour en quatre jours seulement, « comme dans un raid d’infanterie » !
le petit-fils de l’écrivain ouvre a inauguré le nouveau chemin
C’est donc entre les 14 et 17 juin 1912 puis du 25 au 28 juillet 1913, sous la canicule, que l’auteur de la Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres effectua ces pèlerinages. Péguy voulait offrir à la Vierge beauceronne une action de grâce pour la guérison d’un de ses fils, malade. Mais il lui présenta aussi ses difficultés financières de directeur du journal Les Cahiers de la quinzaine.
Et puis il exprimait sa peine d’homme marié dont l’épouse, restée « inchrétienne », ne suivait pas son cheminement spirituel. Surtout, on le sait aujourd’hui, Péguy était tombé secrètement amoureux d’une jeune universitaire juive, Blanche Raphaël, et il invoqua Notre-Dame à Chartres pour ne pas céder à la tentation de l’infidélité.
Fierté du petit-fils de l’écrivain, Michel Péguy (73 ans), qui vient d’inaugurer le nouveau chemin avec trois autres membres de l’Amitié. « Quand j’ai franchi le porche de la cathédrale, une immense satisfaction m’a saisi ! J’ai été très ému devant la Vierge noire au Pilier, là même où mon grand-père s’était recueilli voilà cent ans. »
le chemin s’étire dans la plaine de la Beauce
Comme son compagnon François Haye, qui a tracé l’essentiel du sentier, Michel Péguy est parti de l’ancienne maison de son ancêtre (devant la gare RER de Lozère, à Palaiseau) pour remonter la vallée de l’Yvette jusqu’à Gometz-la-Ville. Avec deux autres marcheurs, ils se sont hissés sur le plateau du Hurepoix, en suivant le nouveau balisage spécial (de couleur bleue).
Ils ont longé l’ancien tracé de l’aérotrain jusqu’à Limours, puis emprunté les GR 11 et 111 pour rallier Dourdan : là même où Péguy avait passé la nuit, « dans une maison amie, hôtesse et fraternelle ». Une fois franchie l’A10, ils ont vu se déployer l’immense plaine de Beauce : cette « haute terrasse où rien ne cache plus l’homme de devant Dieu », comme l’écrivait le poète.
Au-delà d’Ablis, on distingue les deux tours encore lointaines de la cathédrale : « Ce fut une extase », avait dit Péguy à ses amis, « toutes mes impuretés sont tombées d’un coup ! » Mais il faut perdre encore l’édifice plusieurs fois de vue avant de l’atteindre, par Le Gué-de-Longroi, Pont-sous-Gallardon et Coltainville.
aventure spirituelle
« Nous venons de vivre ensemble une belle aventure spirituelle », explique aujourd’hui François Haye… Sur la route, les vers de la Présentation de la Beauce à Notre Dame de Chartres étaient à portée de main des quatre compagnons de marche.
Il ne leur restait plus, parvenus sur le parvis de la haute nef, qu’à se réciter les Quatre prières dans la cathédrale et surtout la Prière de confidence : la plus belle quand on sait, derrière ses mots, la tentation finalement surmontée par Péguy :
« Quand il fallut s’asseoir à la croix des deux routes
Et choisir le regret d’avecque le remords,
Quand il fallut s’asseoir au coin des doubles sorts
Et fixer le regard sur la clef des deux voûtes,
Vous seule vous savez, maîtresse du secret,
Que l’un des deux chemins allait à contre-bas,
Vous connaissez celui que choisirent nos pas,
Comme on choisit un cèdre et le bois d’un coffret.
Et non point par vertu car nous n’en avons guère,
Et non point par devoir car nous ne l’aimons pas,
Mais comme un charpentier s’arme de son compas,
Par besoin de nous mettre au centre de misère,
Et pour nous bien placer dans l’axe de détresse,
Et par ce besoin sourd d’être plus malheureux,
Et d’aller au plus dur et de souffrir plus creux,
Et de prendre le mal dans sa pleine justesse » (…).
Pierre-Yves LE PRIOL, à CHARTRES
A signaler que le tracé de ce « Chemin Charles Péguy » figurera bientôt sur notre site internet. Il est d'ores et déjà consultable sur le site Visorando (voir ici).